Les grands tourments

ebook Les exilés de L'Arcange

By michel zordan

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Les grands tourments - Le 3 février 1930 la famille Montazini arrive en Gascogne, dans le bourg de Floréal. Durant six mois, ma grande sœur Mariéta, notre père Émilio et moi, avions vécu dans un petit logement, au château Tourne Pique. Lorsque le capitaine Aristide Clément Autun, propriétaire du château, proposa à papa d'acheter la ferme de L'Arcange, Mariéta et moi étions les plus heureux au monde. Cette ferme était délaissée depuis plusieurs années et les terres réduites à l'état de friches, mais cela nous était complètement égal. Nous aurions enfin une maison bien à nous et l'important était là...

Nous sommes en 1934, notre bourg a enfin retrouvé sa quiétude.

Ma lettre à Séverine – Extrait

Ma chère Séverine,

J'ai bien reçu vos deux lettres qui prouvent que vous ne m'avez pas oublié et je vous en remercie. Je peux vous assurer que nos rencontres et tous les moments que nous avons passés ensemble resteront pour moi inoubliables et je sais qu'ils ne seront pas les derniers. C'est vrai qu'au début, vous me sembliez un peu mystérieuse et même plus. C'est vrai qu'à notre première rencontre j'avais un peu de mal à vous regarder en face. Mais très rapidement, ce n'est plus la simple image perceptible à mes yeux qui s'imposait à moi, c'est Séverine Jacquard, la femme extraordinaire, intelligente et pleine de courage. Un accident grave est toujours un drame et je sais que pour vous, le cauchemar a été permanent. Je sais aussi que parfois vous avez pensé que la bonne solution aurait été de périr dans l'accident.

Le milieu superficiel dans lequel vous avez évolué, celui qui vous a révélé, est un milieu où seule l'image extérieure compte. Et les rats qui vous poursuivent sans cesse, ceux qui ont motivé votre retraite à la Rondouillère le savent bien. Vous pensez être prisonnière de ce milieu, vous pensez que votre vie, ce sont seulement ces images lisses et parfaites qui prévalent dans les défilés de mode, sous la lumière artificielle et trompeuse des projecteurs. Vous pensez que sans la notoriété des couvertures de papier glacé votre existence n'a plus lieu d'être. Séverine, je peux vous affirmer que vous vous trompez. Prenez de la distance, ce que vous pensez voir ne sont que les formes un peu diffuses que l'on distingue lorsque nos yeux sont trop près d'un tableau. Prenez du recul et vous verrez, tout deviendra plus clair, plus évident.

Avez-vous déjà réfléchi à l'extraordinaire hasard, aux circonstances qui ont fait que vous, Séverine Jacquard, soyez née dans un pays fantastique, la France, dans une famille qui vous a chérie, avec une santé de fer, un physique, une spontanéité et une intelligence hors du commun ?

Mais, avez-vous déjà réfléchi aux millions de personnes qui ont eu la chance de naitre ou qui vont avoir cette chance, mais qui n'ont pas eu tout ou n'auront pas tout ce qui fait que la vie puisse être agréable ou même seulement vivable ?

Pensez-vous vraiment que votre accident, si grave soit-il, puisse remettre en cause votre existence ? Ma chère amie, pensez-vous vraiment que votre vie ne vaut que par votre image sur les magazines et les contours parfaits de votre visage ?

Séverine, le miroir n'est qu'un leurre, il est très coutumier des mensonges, ne vous y laissez pas prendre.

Dans votre dernier courrier, vous dites qu'après deux interventions, les résultats ne sont pas à la hauteur de vos espérances. Vous dites également que le chirurgien vous paraît moins enthousiaste, moins certain de lui. Vous dites aussi qu'une troisième tentative de greffe est risquée et ne pourra de toute façon être que la dernière envisageable.

Séverine, vous avez toute la vie devant vous, il est temps...

Les grands tourments