"L'innocence des auteurs m'étonne. Ils sont plus nus que les autres hommes, parce qu'ils se déshabillent derrière un paravent. Ils se cachent bizarrement dans des personnages qui les montrent. Les gens qui ne composent pas de livres ne déchirent jamais le voile du temple ; ils savent ce qu'ils font, ils ne savent guère ce qu'ils sont. Ils ne voient de leur âme que leurs mains. Ils attendent de la vie qu'elle les raconte. Au contraire, les malheureux que leur étoile pousse à écrire s'enivrent d'une action qui n'agit pas. C'est un monde surprenant qu'une tête littéraire. Le roman le plus vrai n'est pas vrai, mais l'imagination la plus jolie n'est pas fausse. Dans ces sortes de limbes, il arrive que le tableau soit épais ; le peintre ne laisse pas d'être transparent. Je me suis donc servi des écrivains comme les écrivains se servent de leurs modèles. Il me semble que la méthode est assez neuve." Roger Judrin