Oliver Ainsworth Whitaker IVe du nom a fait de brillantes études et dirige avec succès la Whitaker Group Inc, imitant en cela les trois Oliver Ainsworth Whitaker qui l'ont précédé. Issu d'une des meilleures et plus vieilles familles de New-York, il est un des célibataires les plus en vue et les journaux à sensation bruissent des échos de ses bonnes fortunes.

Mais cette façade lisse cache un secret. Oliver est maladroit. Quoiqu'il fasse, les objets échappent à son contrôle pour mener une vie propre, et bien souvent éphémère. Il est étourdi, se perd, se tâche, trébuche et tombe. Lorsqu'il est angoissé, il bafouille, voire devient mutique. Lacer ses chaussures est hors de sa portée et il n'a jamais pu apprendre à conduire un véhicule.

À force d'acharnement, de travail et de volonté, Oliver a réussi à donner le change. Rares sont ceux qui sont au courant de ce qu'il considère comme d'impardonnables faiblesses. Mais en ce monde, rien ne dure. Il suffit que le squelette de son arrière-arrière-grand-père soit découvert dans le souterrain qui mène à une de ses filiales, pour la machine se grippe.

D'accord, ce n'est pas n'importe quelle filiale. C'est celle qui est à l'origine de la prospérité de sa famille. Située à Marseille, dans le sud de la France, elle est restée dans le giron de groupe, par sentimentalisme, car elle coûte plus qu'elle ne rapporte. Elle est même sous le coup d'une expropriation dans le cadre d'un réaménagement de la zone par les autorités locales.

Quant au trisaïeul retrouvé, il appartient au groupe de personnes que la famille d'Oliver a l'habitude de perdre dans les tréfonds obscurs de leur généalogie revisitée. Quoi qu'il en soit, il doit abandonner la masse de travail qui s'empile sur son bureau et quitter New-York pour lui offrir des obsèques descentes. Il ne faudrait pas que l'on dise que les Whitaker négligent les membres de leur famille. Même si ceux-ci auraient mieux fait de rester terrés dans leur tunnel, au lieu d'empoisonner les vivants par leur réapparition inopportune.

Et puisqu'il est obligé de se rendre dans un pays dont il est infoutu de parler la langue, autan en profiter pour liquider les dernières possessions de la famille sur place, et régler cette histoire d'expropriation qui traîne depuis trop longtemps.

Accompagné de ses amis, qui sont aussi ses plus proches collaborateurs, de son majordome, de quatre gardes du corps et d'une avocate recommandée par son père, il embarque dans le jet privé qui doit le conduire à la cité phocéenne. Il a exigé qu'une traductrice soit mise à sa disposition dès son arrivée.

Celle-ci attend dans un des salons VIP de l'aéroport. Elle a des yeux noirs, un sale caractère et des idées bien arrêtées sur ce qu'il convient de faire et ce que doit être la vie. Elle a aussi un père syndicaliste, ainsi que tout une tripotée d'amis, d'« Oncles » et de « Grands Frères » prêts à la protéger des malotrus surtout s'ils sont « estrangers.