Loin d’abolir la liberté des cultes locaux et de bouleverser les organisations urbaines existantes, les Omeyyades ont reconnu les langages esthétiques en vigueur à leur arrivée en Jordanie (41H/661 J.-C.), et en ont réinventé les formes avec une étonnante liberté d’expression. Pour brève qu’ait été leur hégémonie (moins de 90 ans), le rôle des califes omeyyades reste crucial dans l’histoire de l’islam. En établissant la première jonction entre les deux blocs du monde musulman (Iran-Mésopotamie et Méditerranée), ils ont ouvert un Moyen-Orient réunifié aux richesses des deux civilisations. Les Omeyyades furent des architectes passionnés, et la plupart des expressions artistiques dans lesquelles ils ont excellé (mosaïque, stuc, fresques et sculpture décorative) sont liées à l’architecture. Tout en ayant emprunté nombre de motifs à l’inépuisable répertoire antique, l’architecture et les arts décoratifs préfigurent nettement les formes de l’art islamique en gestation. Bien que de superficie modeste, la Jordanie est un immense musée d’histoire à ciel ouvert, et c’est aux Omeyyades qu’est due l’apparition du minaret, du mihrab et du maqsura, ainsi que le plein développement des motifs géométriques et des bandeaux épigraphiques. Le rôle central des Omeyyades dans le monde de la culture se lit dans l’architecture civile da la période, qui a généré nombre de splendides palais décorés, comme le plus vaste palais Omeyyade du pays, Qasr al-Mouchatta, ou Qousayr Amra où les célèbres fresques des Six Rois trahissent une nette influence hellénistique. Caravansérails, résidences de campagne, hammams et grands ouvrages d’art témoignent également de la maîtrise omeyyade dans le recours ingénieux aux styles existants. Musée Sans Frontières éclaire avec pertinence la synthèse cardinale qui a présidé à la naissance de ce langage artistique unique.