À Odessa, au début de ce siècle, les canons du cuirassé Potemkine annoncent la Révolution en bombardant la ville. Les Blancs et les Rouges règlent leurs comptes, les bien-pensants déclenchent des pogroms dans le quartier juif où habite la famille Levson. C'est ainsi que le jeune Julius découvre la vie et sa vocation de peintre, dans un monde qui bascule, une société au bord du gouffre. Grâce à l'amour d'Elsa, il pourra briser le cercle étroit de sa famille, échapper aux tueries, à la famine. C'est alors l'exil à Paris, dans les années folles de l'après-guerre, bientôt suivies des vaches maigres de la crise mondiale et des premiers craquements, préludes à l'invasion hitlérienne. L'Histoire de nouveau à ses trousses, avec la défaite et l'Occupation, Julius poursuit sa quête, indifférent aux êtres, aux idées, uniquement obsédé par l'œuvre à faire. Il connaît le doute et la stérilité, le succès qui ne comble pas, une gloire tardive dont il mesurera la vanité. Quand on s'appelle Levson..., Julius a connu toute son existence le poids d'un nom, méprisé, puis célèbre. Et lorsqu'il reviendra, cinquante ans plus tard, dans la ville de son enfance, il ne retrouvera plus les couleurs d'Odessa qui ont nourri ses tableaux et sa vie, vestiges d'un passé fabuleux, images d'un bonheur impossible. Dans ce nouveau livre, Anne Loesch a réussi le portrait sans exemple d'un créateur solitaire, le roman d'un homme hors du commun, que la rencontre de la passion, les aberrations de l'époque, ne peuvent détourner de sa propre folie. De l'agonie d'Odessa aux trafics de la Collaboration, des ballets russes de Diaghilev, aux galeries de peintures parisiennes, c'est toute une société qui revit sous nos yeux, ressuscitée dans une langue vigoureuse et caustique. Un héros de notre temps qui ne ressemble à personne.