« Éloge de trois kopecks », c'est le roman de deux êtres, poursuivant chacun leur amour et que finit par broyer l'impitoyable engrenage de l'appareil d'État soviétique. Mais, à travers les péripéties de la passion humaine, qui les fait se jeter - comme des aveugles - dans la gueule de l'énorme machine, c'est toute l'histoire de la Russie sous la terreur stalinienne, que l'on vit avec eux. Aucun écrivain n'avait encore osé s'emparer du fantastique personnage de Staline, pour l'annexer à un roman. Socoline, qui le connut de près, pouvait se le permettre. Staline est là, dominant tout le livre. Il apparaît en contrepoint de l'action. Il parle, agit, s'explique, tandis que - sous l'ironie cruelle de ses yeux jaunes - grouille tout un monde de personnages dostoïevskiens. Et cette extraordinaire présence du dictateur, lui-même pris dans la nécessité inexorable de sa Terreur, donne au livre une dimension et une stature rarement égalées.