C'est un village ignoré, Gauzignan, situé entre Nîmes et la montagne ardéchoise, pays de cultivateurs et de bergers, pays âpre et sec, si beau dans les rousseurs de l'hiver. On n'y connaît, sans le secours de la foi, ni disputes, ni procès, ni divorces. L'angoisse s'évapore, et ne résiste pas à la splendeur des vignes en toute saison. On peut y assécher le malheur. Du reste, on n'y meurt pas. On s'y efface. L'instituteur Lamadieu, qui a renoncé à une carrière de violoniste, y passera toute sa vie, fermé sur ses secrets, regrets et indignations. Il a fini par s'y aimer. Un autre raconte. La pêche, la chasse, les histoires, des centaines d'histoires, qui sautent du texte comme des truites hors de l'eau. Des bouts d'histoires. Elles commencent, se perdent ou se cassent, naufragent, renaissent plus loin, elles s'entrelacent, ne meurent que pour ressusciter. Raccordées, elles composeraient des romans, comme Giono, dans « Noé », fabriqua l'un de ses plus beaux récits avec des lambeaux de récits. Ce si petit village est un roman. Singulier, unique, comme rien d'autre, avec sa propre langue, ses codes, ses mystères. Un vrai sortilège, la révélation d'un grand écrivain.