Autrefois, il n'y a pas si longtemps, un homme avait deux vies : l'une comme enfant, l'autre comme père. Entre les deux, existait une parenthèse, plus ou moins longue, mais jamais courte, due à l'État. On était censé y devenir homme et citoyen ; mais on y attrapait autant de vices que de sagesse ; et on y était, pour une des dernières occasions offertes, à la fois obéissant et débridé, clone conforme et enfant turbulent. De jeunes hommes se retrouvaient là, gens de ville ou de campagne, intellectuels bavards ou « rouleurs de manivelle », et formaient une société éphémère, dotée d'un langage et de codes particuliers. Pour parcourir, avec nous, les rituels et le folklore attachés au service militaire, Claude Ribouillault a réuni une très vaste documentation. Des milices d'Ancien Régime, aux temps de la conscription, et jusqu'à la fin annoncée d'aujourd'hui, nous parcourons deux siècles d'une histoire, où les exercices répétés et les marches forcées de l'école des mâles se sont accompagnés de rites plus officieux - mais non moins fondateurs : initiations des « Bleus », désobéissance entretenue des chants de chambrée, et autres cérémonies de « père-cent » ou de « quille ». Reliquaires de ces instants mi-hilares mi-résignés, cahiers de chansons et photographies privées, en préservent la mémoire. Richement illustré de documents issus de collections particulières, le livre de Claude Ribouillault nous explique ce qu'a été le service militaire et comment, tout en formant des soldats, il a pu constituer ce que les ethnologues appellent un « rite de passage ».