La possession de ManSiSi se termina par le verbiage d'un esprit trop imbu de sa belle personne immatérielle ; il était fort disert sur ses états de services. Il était venu gratifier l'assistance d'une espèce de profession de foi testamentaire, somme toute assez cocasse pour un esprit : il se disait le Mystère Boulemanman, appelé aussi BonneSanté dans certaines contrées; il se disait, lui aussi, un génie dispensateur de la bonne fortune : sa vie de lwa était somme toute assez triste; il s'était destiné à corps et à cris à aimer et papillonner; il s'acquittait avec talent de sa destinée d'esprit volage, inconstant, ne pouvant trop longtemps se contenter de faire bonne chère de la même chair ; il se disait aussi un génie androgyne, bisexuel, nymphomane, polyvalent donc, et bien outillé, ne portant pour la belle toile, ni sa pantalette[1], ni son pantalon ; il y avait en tout temps et un peu partout des cultes érotiques en son honneur, de la scarification à l'excision qui rendaient vraiment la femme à sa féminité; il avait même un disciple assez réputé dans le pays des grecs, répondant au nom de Tirésias, auquel il avait enseigné la plus infime partie de sa science, et qui eut en son vivant un succès inouï ; il était terriblement malheureux d'aimer les femmes pour bonnes, et non pour belles : et les hommes pour beaux, et non pour bons : d'où l'instable fortune de toutes ses victimes, qui sont aux petits soins, quand l'amour est au firmament, et qui du jour au lendemain peuvent basculer dans la plus crasse infortune du paradis perdu de l'amour ; lequel paradis perdu autant pour lui que pour l'autre...

A ces paroles du génie persiffleur, les esprits s'échauffèrent dans l'assistance.

Des éclats de rire saillissaient de toutes parts.

A un coin sous la haute tonnelle, on trépignait.

L'on tapait çà et là sur les tables ; l'on criait ; l'on vociférait.

Et l'esprit nymphomane fut copieusement apostrophé de tous ses sobriquets affectueux...

[1] Culotte.